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Ma visite à Kibeho: le lieu où déposer ses douleurs

Photo prise à Kibeho le 22/10/2022

Je me suis réveillée vers 6h15 en écoutant le chant des oiseaux mais c’est plutôt la lumière du soleil qui m’a obligée à me lever de mon lit ce dimanche matin pour écrire. Je savais qu’un miracle se produirait aussi pour moi car mon voyage au Rwanda me démontre une fois de plus que “There can be miracles when you believe”. C’est donc de bonne humeur que je me mets à écrire ce premier article de blog et je me réjouis de savoir qu’on commence par une expérience profonde. Effectivement sans Dieu, je n’aurai pas entrepris de faire ce voyage. Tout et tout le monde semblait me dissuader de partir: “Tu vas laisser les enfants?”, “Tu vas dépenser beaucoup d’argent”, “Et le travail?”. Voilà le genre de commentaires que j’ai entendus lorsque je parlais passionnément du retour vers mon pays. L’ Afrique n’est pas sexy pour la diaspora. Quand on n’a pas le sou oui et surtout de projet! Je ne regrette point : ) On n’y mange bien, travaille efficacement, se relaxe bien, et le soleil nous réveille chaque matin à la même heure. Que demander de plus au bon Dieu?

On a déjà fait quelques kilomètres dans le bus, et l’animatrice se met dans le champ de vision des passagers, et je suis heureusement étonnée que c’est ma tante. Elle nous invite à nous mettre dans l’ambiance du pèlerinage. Il faut mettre de côté le téléphone et prier le chapelet. Chacun doit méditer à haute voix pour que les autres l’accompagnent. Je ne connais pas les prières en kinyarwanda mais je me souviens de quelques bribes que j’ai retenues depuis petite. J’ai seulement passé 9 ans de ma vie au Rwanda mais je m’en souviens encore. On n’oublie pas facilement sa culture, surtout si les parents la pratiquent. Mes parents étaient des fidèles à l’Eglise catholique et je pense que c’est la quasi majorité de tous les Rwandais. J’entendais donc ces jeunes trentenaires réciter les prières avec ferveur, aussi bien les Messieurs que les demoiselles. En effet, j’ai appris que la plupart étaient célibataires, la retraite étant organisée par leurs paroisses pour qu’ils viennent chercher à Kibeho le miracle du mariage.

Cela me fait sourire car je suis avec eux, serait-ce un signe? Je commence déjà à avoir des réponses à mes questions. J’ai déjà oublié mon manque de sommeil. Ce matin là, le rendez-vous était très matinal. On s’est rencontrés à la gare à 5h30 et tout le monde a mis son pull et son écharpe. Cela m’étonne toujours de voir les Africains se protéger contre un hiver qui n’existe pas, s’ils savaient! Je regrette quelques minutes de ne pas avoir pris mon foulard car il fait frais et la gorge commence à piquer mais bientôt dans le bus la température va monter. Je m’endors entre deux prières, me réveille aussitôt car je veux faire bonne impression. Surtout auprès de ma tante qui est assise à côté de moi, meneuse et stricte avec les choses de Dieu et par rapport à toute personne qui me regarderait car je suis l’étrangère parmi eux, ils sont élégants et sages, et la Belgo-Rwandaise qui ne sait pas se tenir parmi les gens. Pour eux! Le chef des animateurs comme je l’appelle a un don particulier pour la motivation spirituelle fais-je remarquer à ma tante, elle confirme. Il tente de nous sortir les vers du nez sur le chemin du retour. Qu’a-t-on retenu de ce voyage? Personne n’ose se prononçer. Il faut dire que les Rwandais sont discrets, et savent très bien tourner leurs phrases de façon à ce qu’ils arrivent tout de même à s’exprimer mais sans dévoiler leur vie privée. C’est le contraire des nous les Européens et il faut tenir compte de cette adaptation du langage au retour. Leur sens de l’humour est très prononçé et leurs jeux de mots parfois difficiles à comprendre du premier coup. Ils maîtrisent l’art oratoire. C’est donc avec une série d’anecdotes personnelles cette fois-ci pour toucher nos émotions mais sans jamais dévoiler son côté sombre, avec son humour aiguisé, qu’il nous explique que la Vierge-Marie est comme une maman qui ne nous refuserait jamais les choses qu’on demande. “Tu peux tout lui demander!” incite-t-il avec un grand sourire comme un oncle attentionné. La veille ma tante m’avait donné un papier sur lequel écrire tous mes voeux ou plutôt mes problèmes ainsi qu’une enveloppe pour insérer la lettre. Sur la table à manger assise à côté d’elle, je m’étais retrouvée avec 3 demi-pages, elle encore plus concentrée sur la tâche. Je ne connaissais pas ce côté dévoué de ma tante, c’est vrai que mon séjour m’a permis de mieux la connaître. C’est une très belle personne gracieuse aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur. Elle porte bien son nom “Grâce”. J’étais fière de partager un lien avec cette famille. Des deux côtés, celui de mon père et de ma mère, ils ont tous des talents qui pourraient impacter la Terre de façon extraordinaire. D’excellentes couturières, fabricante de bijoux, réalisateur de film, musiciens, photographes, hommes et femmes d’affaires, je comprends d’où je tire ma soif d’être une star de tous ces domaines. Comme je le dis dans mon livre, le bon et le mauvais de soi ne vient jamais loin du sang. Je garde précieusement l’enveloppe dans mon sac à main, que je déposerai quelques 3 heures plus tard dans une sorte d’urne sur l’auteul de l’Eglise Notre-Dame des douleurs, au rythme des passages des fidèles s’agenouillant au préalable avec l’humilité d’un enfant qui a quelque chose à demander à sa maman. Redevenir enfant, je me sens tendrement aimée et je suis persuadée que je vais recevoir un cadeau qui va changer quelque chose dans ma vie.

Je me suis réveillée en me disant que le problème des célibataires n’est pas eux mais leur solitude. Vivre en co-location, faire des virées de groupe, extérioriser voilà ce dont ils ont besoin. Je voyais ces jolies dames bien apprêtées et je ne pouvais m’empêcher de constater qu’elles étaient aussi venues faire des rencontres. Pas spécialement masculines mais amicales. Je raconterai une fois l’anecdote dans mon second livre en préparation qu’ici les hommes se prennent par la main, les filles aussi mais pire encore, les hommes dorment ensemble même quand il y a deux chambres disponible! J’ai dû demander à quelqu’un pour confirmer qu’ils ne sont pas bel et bien homosexuels! J’avais honte après cette explication simple que c’est un signe d’amitié.

Certaines filles semblaient se connaître et c’est vrai que celles qui étaient joyeuses, drôles, dynamiques étaient les plus attirantes. J’ai vu ce qu’on voit quand on observe quelqu’un de célibataire. La personnalité, les qualités uniques, l’apparence, tout se tient dans sa sociabilité. Ici quasi personne n’est introverti. Tout le monde parle avec assurance, s’exclame, rit avec liberté. Je constate que beaucoup de personnes sont introverties en Europe. A quoi est-ce dû? Peut-être parce qu’ils n’ont pas d’endroit où socialiser? Et peut-être parce qu’ils ne se sentent pas forcés puisque de toutes les façons personne ne leur prête attention? Je me pose un tas de questions sur ma personnalité et du coup, je comprends que toutes ces années à l’étranger seront difficiles à rattraper. Dans mon second livre vous suivrez le cheminement et ma destination finale. Mais d’abord achetez le premier et vous comprendrez la vie tumultueuse qu’on peut vivre quand on est jeune dans un pays étranger.

L’animateur exhorte à la fin du voyage, ceux qui sont parents de rejoindre les groupes de prière pendant la semaine et cite quelques adresses à Kigali. Je me dis que je serai déjà partie dès le début de la semaine mais que je vais faire cela dans mon deuxième pays. Comme me dit ma tante, c’est un lieu pour casser le train-train de la semaine, pour rencontrer d’autres gens et pour s’aérer l’esprit. C’est comme un club de foot ou de danse, sauf qu’ici il y a aussi l’aspect guérison intérieure qui intervient. Oui, comme je le dis dans mon livre ‘Toutes les mamans solos sont des futures reines’, il faut d’abord admettre qu’on est malade. L’animateur a bien souligné l’acceptation de sa situation de célibataire, de ne pas avoir d’enfants ou celle de ceux qui ont des enfants qui voudraient narguer ceux qui ont des enfants mais qui ont aussi des lacunes dans leurs vies. On peut les amener devant Dieu qui fera des miracles. J’observe les visages des demoiselles assises derrière moi, elles semblent agaçées par ces discours. Au même moment, c’est la voix de Ferdinand qui me reprend, il trouve une autre astuce pour les garder en éveil, il propose de chanter des louanges de remerciement et en un instant, c’est en choeurs que tout le monde se met à taper dans les mains et chante avec sa plus belle voix. Il doit être 8 heures du soir, les paysages sont sombres et ce sont seulement les routes qui sont éclairées. Je me dis qu’il faut que je partage cette expérience avec vous!

Je garde un souvenir vif de Ferdinand. Je cite son nom pour ne pas l’oublier et pour lui rendre hommage. Ce que j’ai apprécié chez l’animateur c’est sa bienveillance. On voyait qu’il était là pour aider ces jeunes célibataires en âge de se marier, avec une guidance sérieuse mais décontractée, on sentait qu’il comprenait et il nous a d’ailleurs dit qu’il avait prié pour que ce pèlerinage porte ses fruits. Il aimait toujours insister à la fin de son discours: “L’essentiel est qu’on aille tous au paradis.”

Je ne pourrais pas vous raconter toute l’expérience mais vous pouvez imaginer qu’un tel voyage est toujours transformateur. Et j’espère qu’à travers ces lignes vous avez eu envie de faire un pèlerinage, pour aller déposer quelque part vos problèmes et faire de belles rencontres. Mon pèlerinage aux JMJ en Pologne m’avait définitivement transformée, partie là-bas sur invitation comme ici, je ne pense pas qu’il en existe de plus grand. Il y avait comme une source de joie abondante et à chaque fois que je suis dans un lieu Saint, ou même dans une simple Eglise cette joie rejaillit. C’était le cas à Kibeho où la Vierge Marie avait prévenu des massacres du génocide, c’est pour cela que c’est un lieu où on peut déposer ses douleurs sans honte car elle est là pour pleurer avec nous, peu importe nos problèmes. Oui le célibat est une vraie douleur, admettons-le, acceptons-le mais on peut en sortir si seulement on le veut. J’ai une admiration particulière pour ces animateurs qui à côté de leurs propres problèmes, ont pris cette initiative pour guider les autres vers la maman de tous, il suffit juste d’accepter de le croire. En les regardant, je me suis dite que si je pouvais être comme l’un d’eux je serai une bonne personne à épouser. A méditer.

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